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Le jeu des gendarmes-joueurs et du voleur-auteur

Le jeu des gendarmes-joueurs et du voleur-auteur

« Comme il est dit dans le compte-rendu sur le site jeanrossat.com, le millésime 2010 des compétitions d’Aÿ-Champagne aura réservé  des surprises. La principale est survenue lors du Grand Prix open Eskimos du dimanche matin qui a vu les outsiders et des gens du pays devancer plusieurs favoris. Pour tenter d’expliquer ce fait, il convient de rappeler d’abord ce qu’est un concours sur tables. Dans mon esprit, il doit s’agir d’une drôle de rencontre littéraire entre l’auteur et ses lecteurs, voire d’une poursuite du premier (le voleur qui ment et brouille les pistes) par les seconds (les gendarmes qui doivent démêler le vrai du faux et ne pas se tromper à certains croisements…  cruciaux). D’aucuns parlent de pièges ou variantes ;  je préfère la notion de problème unique avec une solution unique,  à trouver par chacun des « enquêteurs ».

La première donnée qui rend l’affaire intéressante, pour ne pas dire passionnante et supérieure aux autres formes de résolution, est qu’ici l’on n’a pas de dictionnaires pour vérifier certains détails. Les cruciverbistes doivent donc en appeler à leur intuition, leur flair, là où ils sentent bien que la recherche peut prendre plusieurs orientations. Le second paramètre est le temps imparti ; pour rester dans la comparaison avec l’enquête policière, il faudrait même parler du temps de prescription (au terme duquel l’énigme devrait être considérée comme non élucidée et classée). Le troisième et dernier point capital est qu’il y a, rassemblés dans le même lieu, plusieurs fins limiers sur le coup dont le but est de trouver la clef (ou de s’en approcher) plus vite que leurs camarades d’à côté : soit une sorte de guerre des polices, version mots croisés !

En clair, le concurrent de l’épreuve sur tables de mots croisés doit donc être aguerri au jeu, mais aussi gérer le temps tout en préjugeant de la difficulté de la grille et de la valeur d’autrui. À chaque Grand Prix Open Eskimos, sa vérité. Pour celui d’Aÿ, la grille pouvait être terminée dans les deux heures par la grande majorité des joueurs, mais pour mieux dissimuler tous ses secrets. Ce n’est pas la moindre curiosité de voir qu’au bout du compte, un seul un concurrent a réussi le sans-faute alors que jamais depuis longtemps autant de candidats ne l’avaient approché de si près. Cela ramène à mon rôle d’auteur ; je pense que celui-ci est bien de surprendre, non pas par une quelconque perversité mais bien pour augmenter toujours le plaisir de la recherche des amateurs d’énigmes croisées. Et répondre à leur attente.

À Eu, le 7 novembre prochain, ce sera une autre histoire, une autre vérité. Et n’en doutons pas : un autre résultat. »

Jean Rossat

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